de George Cukor
Des femmes perdues dans la tourmente de leur désir.
Cukor s’est toujours mis « du côté des femmes », comme quand moi je me mettais « du côté des filles », quand j’étais petits garçons : pour voir leur jeu de l’extérieur, sans véritablement en prendre ni le parti ni la place, pas pour les « défendre », mais plutôt pour dévoiler un espace intime qui n’a pas vraiment de présence sur la scène publique (ainsi de tous les gynécées, et j’imagine que les petits garçons arabes, cf A. Taïa, ont de même avec « leurs » femmes).
Ici donc, les femmes ne sont pas « sauvées », et il y a bien des hommes qui en semblent dire la vérité. Le film n’est pas du tout féministe. Mais il est précis sur les aspirations sexuelles et les problématiques liées à leur évocation (toute aventure du langage passionne Cukor). Les scènes les plus incroyables sont celles qui voient le face à face de chaque côté d’un écran entre celle qui parle et celui qui écoute et prend des notes. Manière de repenser la relation homme-femme, le lien abstractions programmatiques sociologiques et intimité concrète psychologique. Les hommes sont immobiles, ils sont des places (papa, papa bis, homme de science – chapman est asexué – violents, castrateurs…) et des machines à enregistrer, les femmes leurs animaux en cage, rendues folles non pas par leur sexualité « naturelle » (voir la femme-artistes, moquerie chabrolienne de celle qui tente de se frotter à un « animal ») mais bien plutôt parce qu’elle n’ont pas accès à la parole, à la visibilité.
Le noir est profond (est-ce ma copie qui est si dense ?) et le jeu entre zone d’ombre et mise en lumière est magnifique, autant que cette zone de risque, palpable, où entrent les femmes, chacune d’entre elles. On ne peut pas dire que le scénario les sauve (et que dire de la femme « perdue » qui se suicide sans que le statiticien n’y trouve à redire que « she was doomed » ?), la mise en scène les sauve en les sauvegardant, en les regardant sans les épier, de plain-pied et amène l’intérêt avec la compassion, l’ambiguïté fondamentale qui excepte toute réconciliation de fond.