de Lucio Fulci
Baroque, surréférencé (Hitch, Bacon peintre et Bacon philosophe, l’intrigue est au Royaume Uni (magnifiques décors).
Ce qui me plait, ce sont les petits zoom à la succession rapide, haptiques, reprise des avancées coordonnées d’Hitchcock dans Les Oiseaux (cité dans une scène avec les chauves-souris, mais aussi dans une autre qui ressemble à Marnie, avec l’héroïne à cheval dans sa belle propriété).
Le film montre le mode de vie grand bourgeois, très beau, de l’Italie-Angleterre-Europe de ces années-là, ces intérieurs luxueux aux belles matières et au chic imparables, aux femmes superbes et panachées. Il y injecte ce qu’il faut de fantasmatique pour déplomber l’intrigue et faire tout flotter dans une indistinction de rêve où il n’y a plus de terrain concret (on ne voit quasiment jamais le sol), avec des mouvements de caméra rapide, compliqué, accumulant des détails et de l’efficacité tout en passant par un maximum de zones « non symboliques », quasi à la Bresson (détails du corps). Le rouge (sang, rideau) est très présent.
La scène des chiens qui parait-il fit scandale (elle est pourtant bien rouge, bien fausse, mais les médias techniques ont leur propre impression de réalité) donne la mesure du film : une éviscération exposée, des morts-vivants (tous les personnages sont emplâtrés et cadavériques, même si beau : rien n’est « frais »). Tout s’enchaîne à toute vitesse.
Je trouve le film plus fou et plus inventif que Argento qui fait plutôt figure de « classique » à côté Fulci semble plus scrupuleux et surtour d’avoir « le cinéma dans le sang », si je puis dire. Il arrive à créer une mise en scène invraisemblablement compliquée mais très lisible, où on ne se perd jamais, bien que la « scène » soit presque toujours perdue dans les détails. Le doublage est évidemment affreux mais il passe. Les lieux sont étonnants. Il y a aussi un regard distancié sur l’époque (signe de l’intelligence d’un réalisateur : ne jamais considérer son époque comme la sienne, mais comme un état contigent de certains succès esthétiques).
L’alliance assez déliquescente du sexe et du sang, avec gros plans sur les blessures, insistance macabre dont on ne sait pas trop quoi elle sert (il n’y a pas de vrai fascination, ça n’a pas l’air d’avoir une fonction « magique » comme chez Anger, ce n’est pas non plus abstrait : c’est plutôt du choc, comme un rouge à lèvre créé une rupture, un signal). Regarder jusqu’à ne plus voir, peut-être. Fascinum au max, fascination morbide. Ce n’est pas impossible.