Film phrases

Un petit cas de conscience (2002)

de Marie-Claude Threillou

Une fresque très simple sur une histoire minuscule, à partir de laquelle cristallise à la Claire Bretecher le portrait d’une génération pris dans la culpabilité d’avoir changé de classe, de sexualité, de rapports et de lieux. Le langage est ce qui tient le tout: un langage parlé tout en gestuelles, « actes pour rien », on avance, on bat des bras, on prend son temps surtout, à s’interroger; avec, entre les séquences, la musique, très belle, sur des plans de campagne ou de ville.

C’est sans doute le meilleur portrait, le plus précis et le plus honnête, de ce feuilleté identitaire des réactions des intellectuels dans les années 1990-2000 : propriétaires de maisons de campagne, retapées ou faite retapées, vaguement squattée ou habitée à la diable, contenant pas grand chose. On est pas chez les extra-riches, mais dans cette lisière plus très claire où la petite bourgeoisie se confond avec la marginalité dans cette classe moyenne qui n’en est pas une.

L’histoire de départ est ridicule, mais elle ne sert pas à ridiculiser ceux qui la prennent la compte, elle ne les humilie ou ne les moquent pas. Elle fait saillir un ensemble de micro-réactions, quasiment toutes sans conséquences, mais qui s’accumulent toutes pour aller dans un sens à la fois très marrant et très surprenant. Le film fait songer à Rohmer, moins dans l’écart entre le dire et le faire, que la réalité relaye le langage et qu’il faut bien donner des actes aux mots. La répétition d’une histoire (un « cancan »), transmise par chacune des protagonistes se retrouve mettre en relief sa faconde et sa superbe, autant que sa fragilité.

Le découpage est invisible (comme chez Guitry), très beau, avec très peu de gros plans. Il y a une assurance folle, une durée prise pour montrer qui dénote que MCT sait ce qu’elle veut. Il n’y a rien en manque ou en excès dans le film. Le pointillisme des dialogues créé un naturalisme au second degré, celui des intellectuels qui parlent vraiment comme ça, mais que c’est leur histoire. Les enfants chantent.

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