de Vincente Minnelli
Film étonnant, sinueux comme tout, très psy. Il est long à la détente et met du temps à s’ouvrir. Cette durée est ce qui lui donne, à défaut de subtilité, son mystère et sa bizarrerie, et aussi un charme étonnant (au sens d’envoûtement). Il y a plusieurs films dans le film, successivement, et une héroïne qui change, qui prend en maturité. Katherine Hepburn est à la fois trop vieille, trop vive et trop racée pour jouer les ingénues campagnardes. Mais ce miscasting ajoute au film une composante inattendue, tout comme le beau visage étrange et pacifique de Mitchum. Les personnages baignent dans des durées, des temporalités qui ne sont pas les mêmes, et la durée du film le permet.
La musique, avec le seul thème répeté, joué par les différents parents ou membres familiaux des personnages, fait le lien, mais ce signe semble sincère.
Le malaise social : un des thèmes privilégié de Minnelli (un numéro du tonnerre, the et sympathie etc). Autre thème : la reproduction familiale. Encore un autre : celui dont on parle (mais ce film est bien meilleur et plus nuancé dans sa fragilité académique que Les Ensorcelés, dont le gothique n’est pas loin).
La camera de Minnelli ne lâche pas ses personnages. Elle les suit jusqu’au bout de là où la ligne de temps doit aller.
Deux très beaux personnages noirs. Le majordome, maigre, simple, aussi mystérieux que son double fou que l’on voit dans l’écurie, qui semble venir de tout le passé esclavagiste de l’Amerique. Scène étonnante, redoublement de la fausse identité de Mitchum qui au début nous se présente comme un gardien.
Les animaux, aussi, sont étonnants (pas le souvenir de choses identiques chez Minnelli) : deux chiens, un petit batard et un grand lévrier, un cheval qui tuera le mari criminel. Scène étonnante où le chien veut rentrer. Et celle ou l’autre chien la regarde devant la grange.
les décors m’ont surpris. Pas la campagne, en grand partie fausse, même la fin sur le chemin escarpé et cette scène néanmoins impressionnante où le mari tente de faire tomber sa femme et son cheval dans le précipice. Mais un plà très rapide d’un endroit vide, d’usine où se trouve la compagnie du mari. Espace industriel et sans marque inhabituel. Le film plus généralement fait la comparaison des espaces entre eux, ce n’est pas rare chez Minnelli.
Le film est juste après-guerre, ce que je n’avais pas en tête, que la guerre était si proche. L’invention de la télécommande qui est récupérée par un meurtre du personnage du mari, évoque peut-être souterainnement les actes de meurtre de la guerre, comme un reflux. Minnelli ne s’était-il pas engagé lui-même ?