Film phrases

La vie comme ça (1978)

de Jean-Claude Brisseau

Lisa de Heredia dans la pesanteur et la grâce.

Le film est drôle au début, avec de petits détails comiques dans un grand bain sordide, puis ces petits bouts disparaissent dans la dernière demi-heure et on arrête de respirer.

Aspects étonnants de l’univers de Rohmer (la vie de bureau, les jeunes filles) mais comme si Brisseau avait choisi une autre fille qui elle habiterait en banlieue. Le départ des beaux quartiers avec Marie Rivière pourrait aller dans ce sens.

La simplicité du film, son côté direct et impavide qui est l’égal de la résolution douce de de Heredia, la truculence de ses caractères type Diagonale (le concierge folle) vont aussi dans le sens d’une franchise qui n’hésite pas à figurer la violence frontalement, à montrer comment elle se prepare et finit par apparaître quand elle était prévisible. Comme les deux garçons se battant au couteau.

Le patron est très bien rendu dans son autorité rapide et sa violence hiérarchique.

Deux portraits de personnages du bureau, comme interviewés : la petite employée terrifiante qui se voit comme « quelqu’un de bien » et le cadre couard et indifférent. Une manière d’intégrer la télévision dans le dispositif de son film. Le film est intéressant dans cet effet télévision là.

Le territoire de l’immeuble (que Brisseau explorera aussi pour l’INA dans l’échangeur) est très précisément montré, des caves aux couloirs, des boites au lettres au parvis qui fait face à l’immeuble, le jardin où le voisin pête les plombs avant d’être tiré par balles. De même pour le bureau, et le contraste avec la nature. C’est sans doute ce rapport à l’espace, et à la cajolerie des jeunes filles que Rohmer a été sensible.

Effet confinement : la situation pourrie n’est pas seulement vécue par les personnages, elle constitue l’essentiel de leur conversation. C’est là où Brisseau est très fort : il ne fait pas un film à thèse et pourtant rien ne sort de son propos, tout se ramène, tragiquement, à l’exposé de sa « cause ». Le film est « parabolique », il s’agit bien de la vie d’une sainte (laïque ou pas, peu importe puisque dieu est mort).

Il le fait avec un sens de la singularité des acteurs, leur vérité documentaire ou bien « croquée » dans l’époque, qui marque le film sous de multiples aspects : esthétique, mode, prosodique, technologique.

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