Film phrases

Strangulation Blues (1980)

de Leos Carax

Le film est plongé dans la pénombre. On y retrouve le caractère de Carax : celui d’un garçon au courant de sa médiocrité de garçon mais qui ne peut faire autrement que de « faire avec », non sans traîner une mélancolie à moitié jouée et à moitié réelle, mais où tout vient du cœur.

Admiration devant des choses qui sont déjà là et perdureront chez lui, et qui sont inédites, qu’il invente : faire parler plusieurs voix pour un seul personnages, et que ces voix prennent un rôle qui n’est ni explicatif, ni explicitement poétique (il y a quand même des citations, notamment une chanson de Barbara); que ces voix parlent vite, débitent leur texte comme pour l’expédier (mais sans rien de psychologique dans ce prosodie) sans souci d’être « bien perçues », sans souci de musicalité ou d’effet, plutôt faire « bloc », créer du bloc. Tout comme les plans, coupé à la lisière, un peu trop tôt. On retrouve aussi cette figure du gros plan dans l’axe, du plan souffle de recadrage, piqué à Godard et repensée dans l’économie d’un montage lent. Carax est un artiste qui se fiche pas mal de ce que le film doit « rendre », s’il doit ou non se boucler, s’il doit raconter… mais compte l’addition de ses plans comme un chapelet et lance chacun d’entre eux comme s’il n’y avait que ce plan qui comptait. D’où le côté morceaux de bravoure. Ce qui sauve l’enchaînement, ce sont ces coupes élégantes comme des lame de rasoir, qui empêchent de voir totalement tout en laissant la demi-seconde pour voir ce qu’il fallait voir (le plus souvent, une référence culturel, un « signe »).

Le cinéma est un magnétophone et une boite à lumières. Tout est plongé dans un noir dont la durée ou la fréquence sur le métrage total est indifférente à Carax.

L’histoire est exaltée et idiote, puisée aussi chez le Godard des petites chambres de ses courts-métrages des années 50. C’est-à-dire pas très sérieuse (la gravité viendra après), réduite à quelque meubles et une photo au mur.

La fille a une voix aiguë mais n’est pas encore Mireille Perrier.

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