Film phrases

Songs of song

De Ruben Mamoulian

Toujours le même souci avec Mamoulian : c’est plein de bonnes idées mais il n’y a pas de liant. Sans doute parce que celui-ci était de convention, qu’il fonctionnait tout seul avec l’attente des spectateurs comblés par la seule raison du spectacle.

Reste pour nous le film. Il est hétéroclite, fidèle à la bande musicale des premiers plans qui ressemblent à du Dreyer à un point parodique. Wagner au générique, puis Bach puis Beethoven. Le même morceau que celui joué par Dietrich dans X27. Le film est tour à tour baroque et sinueux comme Ophuls, les plans longs comme du Lubitsch, ou cubiste avec des points de vues libérés de l’espace.

Le début dans l’atelier est étonnant. L’intrication du sexe avec les contrepoints sur la statue et les plans osés où Dietrich se met nue est vraiment pas. Il y a un peu de phrasé. La fin dans le même atelier pourrait l’être (fascinant) mais la scène est ratée. Dietrich est juvenile, gentille et impérieuse. Ravie d’être là. Elle chante faux et joue avec son âme. Elle est convaincante dans son interprétation studieuse, elle convainc parce qu’on la voit jouer avec application et intelligence et qu’on se fiche un peu de ce personnage qui lui ressemble. Les autres personnages sont à la fois archetypaux et bizarrement égarés : un colonel a la von stroheim ou Menjou, un bellâtre sculpteur échappé de Dreyer lui aussi, un palefrenier pas crédible qui pourrait être un Jeune poète rêveur et idiot, une gouvernante brune, vulgaire et gironde, croisement improbable entre Mae West et la Magnani. Tout ça est plein d’un troisième sens involontaire qui ne « marche pas » dans le même sens que le film mais le fait partir dans tous les sens intertextuels et camp, sans qu’on sache trop ce qui reste au film lui-même.

Comparer cette œuvre « baroque », mal fagotée mais assez fascinante, avec la sûreté de vue du DeMille d’hier ne laisse aucun doute. DeMille est un grand cinéaste parce qu’il a inventé les codes au temps du muet (comme disait Biette) et n’a cessé de les rebattre. Mamoulian, que cherche-t-il ? C’est un mystère. On dirait surtout qu’il a la flemme, qu’il s’arrête par paresse au milieu du gué.

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