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L’Arc-en-ciel (Raduga, 1944)

de Marc Donskoï

Bande plutôt idéologique, où l’on retrouve les thèmes qui fonde le cinéma de Donskoï (le chant plaintif des vies étouffées, la ténacité face à l’horreur) et ses marques stylistiques : de long plans de visages, ramassés par centaines, la conscience enfantine de l’horreur composant avec sa vitalité innocente, et un sens du relief des corps dans ces plans-portraits qui prennent une réalité lourde. Etonnant de voir comment – face au cinéma hollywoodien – les corps prennent consistance, rien n’allant vers l’abstraction, sinon les dialogues (dès qu’un personnage ouvre la bouche, il se fait le porte voix de la patrie). Le film, qui fait pourtant des Allemands des monstres impossibles à rédimer (ils assassinent surtout des femmes enceintes et des enfants sans exprimer la moindre réserve), leur donne de vrais corps, une matérialité qui les mets sur le même plans que les russes-ukrainiens (ici). Il faut du temps (et des dialogues) pour s’apercevoir de qui sont les méchants, sans que leur apparence soit codées comme aux USA. Seule la copie de Dietrich, avec un petit singe qui pendouille (écho à X27), que l’on verra plus tard barbouillée de crème blanche, représente la limite de l’abjection, celle de la duplicité (même si elle n’est pas tant que ça antipathique, juste idiote), elle sera d’ailleurs tuée par son mari soldat, froidement (y voir une critique politique de la férocité du lynch ? – tous les persos n’arrêtent pas de dire qu’ils veulent voir les allemands morts, mais à la fin, grand discours pour lui dire : il vaut mieux qu’ils attendent leur heure en tremblant – ou bien la simple expression d’une impulsion sans retour ?).

Ce qui est beau (mais que critique Bazin dans son texte), c’est que le film avant de manière circulaire, sans récit linéaire, mais en sautant parmi le village, puis revenant à certain point de départ. Il n’y a pas de développement narratif sinon la stase de l’attente, et, en face, la mort et les privations dans le décor splendide couvert de neige.

Donskoï n’hésite pas à sacrifier plein d’enfants, de femmes, sauvagement, « pour l’exemple » (ça a gêné Frédéric). Effectivement, ici (comme chez DeMille, vu le soir d’avant), la cruauté amène au sentiment de l’artificiel. Peu de psychologie, d’ailleurs, vu que les dialogues sont affreux. Quelques scènes magnifiques : quand la mère et ses enfants creusent la tombe pour l’aîné qui a été tué car il a amené du pain à sa tante-enceinte prisonnière. Il l’enterrent chez eux et, pour pas que l’on le découvre (car ils ont volé le corps), ils tassent la terre ensemble, le visage sombre, on les voit tous sautiller, pendant que la plus jeune pleure, lors de plans qui reviennent.

La scène avec les enfants et le soldat, qui cherche du lait, imite une vache, puis tente de les terroriser en pointant son fusil sur eux, pendant que l’aîné (puisque son frère est mort) tente de les protéger et se mettant en face du fusil, et que tous pleurent.

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