d’Arnaud Desplechin
Un écrivain avec des femmes qui l’aime, en toute « simplicité ». Bizarre de voir AD faire un film premier degré, à tel point que j’ai cherché la faille, le trouble, dans ce qui (à la lecture du dossier de presse) ne le demandait sans doute pas.
Impression de rétro 90’s, dès le générique et les premiers plans: un Woody de l’époque remixé par AD, mais avec ce trouble d’un film déplacé en temps (et donc déplacé dans le contexte « culturel » actuel, qui parasite ce regard).
Chapitrage, les relations se déroulent sans qu’on arrive à s’accrocher. Léa Seydoux m’a paru mauvaise, du moins les séquences qui la voient passer du rire à la confession abrupte, quelque chose de forcé, de fake, et surtout (London style): la précipitation, des paroles (un peu creuses), des répliques qui s’enchaînent sans durée, coupes abruptes; avec la musiquette classiquette ou jazzy. Quelque chose de léger et comme une nostalgie de ce temps où les femmes étaient les femmes et les hommes un centre qui les aimaient en les trouvant belles.
Il y a aussi qu’AD est un cinéaste du monologue plus que dialogue, et que le dialogue entre Seydoux et Podalydes ne fonctionne pas. Le sujet du film est là, bien sûr: un écrivain qui écrit les monologues des femmes qu’il écoute ou écoute en imaginant, solitude de celui qui écrit seul les histoires des autres (bonjour, Desplechin et l’autofiction des autres qu’on ne manquera pas de lui reprocher)
Le film pourrait s’adresser à ce public d’autrefois, des 90’s, cette decennie froide, gentille, dépolitisée, non encore informatisée et peu narcissique, en attente, dirais-je maintenant, dans son ennui, des bouleversements de l’orée des années 2000, qui ne seraient plus innocentes mais dures, et aujourd’hui, sans pitié et sans intelligence.
Philipp Roth représente un peu ça et le film de AD le met en scène au présent, donc l’actualise un peu bizarrement. Mais quel public existe pour cela ? Le public des 90’s a vieillit, lui aussi a muté, l’anachronisme du film, dont la bourgeoise marivaudante et un peu lénifiante saute aux yeux, ennuie un peu, semble à côté des choses, dans ces beaux appartement aux téléphones reliés de cuir…
La mise en scène est du Desplechin un peu assagit, beaux effets de lumière, arbres et décors vieux de bon goût, trop de cisaillements dans les scènes avec Seydoux, avec des changements de points de vue trop fréquents pour ne pas induire ce fake évoqué plus haut.
Seule Devos m’a convaincu, elle a une profondeur (comme le bon vin) que Seydoux n’a pas, qui donne tout en surface, ne joue pas de sa voix, reste dans les ruptures signalétiques. Devos garde quelque chose, inscrit sa lenteur. Beau moment où elle se redresse sur son lit quand on la voit la première fois, et sa voix accompagne ça, un réveil engourdit, lent, avec une prise de conscience progressive. Aucune scène de Seydoux ne parvient à « tenir cette durée là ».
Le personnage de l’étudiante folle, bien écrit, avec ses multiples petits cisaillements, est assez réussi.
La femme et la procureure, qui se ressemblent, sont assez réussie aussi.
Podalydès, crédible en juif obsédé par les juifs (autre antienne qui fera bondir), est émouvant, « mignon », pas très intéressant, et l’allégorie parfaite du mâle honni aujourd’hui.
Est-on dans un combat de société, dans lequel ce film s’inscrirait, volontairement, sous la forme d’un antimodernisme revendiqué ?