Film phrases

Le grand écart (Mr & Mrs Smith / Hitchcock, 1941)

On dirait qu’Hitch mesure le vide. La 1ère scène, longue et répétitive, est une stase alanguie qui se moque des conventions accélérantes du récit et de son efficacité. Tout le film chemine plutôt poussif, peut-être effet d’un contrecœeur de A.H., qui s’ingénie en tout cas à filmer tout cela comme une machine absolument artificielle et insensée (burlesque toutes mines dehors : Robert Ontgomery est en pâte à modeler) : multiplication d’objets infonctionnels et piégeurs (rappel d’Agamben/Baudelaire dans Stanze : dandy & marchandise), musique sautillante et grands silence, plans frontaux du petit déjeuner (qui inspirera Moullet pour Un steack trop cuit, même s’il y avait aussi les plans de pieds de L’Inconnu du Nord express), postures tendues et malhabiles, scènes deconnectées, tout semble flotter dans un mauvais rêve pourtant sans transcendance aucune. L’ivresse, auquel il est souvent recours (en vrai puis en feinte) : une immobilisation des h, une « tenue » aphasique. Deux moments « fantastiques » : lorsque le héros tente, dans une boite, de se faire saigner du nez (on met plusieurs minutes à comprendre tandis qu’il recommence), et lorsque son rival, forcé d’ingurgiter deux verres d’alcool (qu’il dit ne jamais boire) se tient à la fois rond et raide (car rond), le buste comme une scie musicale.

Hitch multiplie, son scénar aidant, les allusions au sexe permises par la faille trouvée dans le Codex de production : pas de sexe hors mariage / mais si, en fait, ils n’étaient pas mariés ? Mais ses héros (qui disent être mariés depuis 3 ans, n’ont pas d’enfants, et passent parfois 8 jours sans sortir de leur chambre suite à des querelles) ont l’air d’en avoir vu d’autres. Miss = Mistress, écrit le héros, tandis qu’elle imite une violente scène de sexe derrière la cloison, finissant par croiser les ski en X en poupée Belllmer. Multiplications de clins d’œils pédés (au bain, au téléphone, à la fin où le rival est une mauviette. Un scénario qu’aurais pu filmer Lubitsch en le faisant tenir de bout en bout, mais qu’Hitch, plus moderne ET plus paresseux (en somme, c’est la même chose) laisse tomber en pièce tout en faisant (le traitre) son travail d’illustrateur (pas du tout anonyme, bien au contraire).

On y trouve même, devant une soupe douteuse d’un restaurant qui n’est plus qu’un bon souvenir, cette réplique magnifique :

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