de Douglas Sirk
Choucrouteuse comédie musicale allemande, dans le style de celles que j’avais vu à Bologne – le style en plus. Un peu trop rapide pendant la première moitié, un peu accélérée par le montage (peut-être celui des producteurs), la mise en scène s’enlève à cœur joie. Des statues et des hommes, la mélancolie du souvenir et le dédoublement (à la Demy) qui flurte avec l’inceste (comme toujours pour l’enfermement), avec des paires (cantatrice blonde/brune, faux père faux jeton / vrai père, grand seigneur, domestiques et maîtres, homosexuel aux corsets de contrebande, aux cigares coïncés dans les anneaux, poète qui écrit pour l’un puis pour l’une), hésitation entre deux hotels, allers et retour dans la même ville où l’identité et le nom de scène permettent de passer d’un espace à l’autre, d’être changé.
Sirk s’amuse à « doubler », lui aussi, ses acteurs avec les statues immémoriales du parc comme topoi poétiques, avec la répétition des musiques (dont on voit aussi les répétitions) et raccords de motifs et de gestes pour passer d’une scène à l’autre (// Lang). Le motif est son sujet, et celui de son film = on imite et on répète, on devient rythme, musique, elle est inscrite dans la peau, le génotype et la mémoire. On passe du dessin à la scène, un chant sans partition. L’état d’exception qu’il décrit, une cour irréelle et son peuple, est bien éloigné des requisits nazis des hommes forts. La lumière blanche, très blanche étale tout et plaque le décor sur les corps. Tout autour, un vide, un néant (la ville et la vie dont on part, le passé disparu dans sa répétition, une simple marque sur un arbre pour le premier concert). Aucun second rôle qui n’est pas « utile ».
Le décorum et son importance. La servante habillée comme une maîtresse SM, la robe bien trop moderne du bal, à la années 30. Les colifichets et la baignoire transparente où l’on voit les pieds et le visage enfariné de savon de l’héroïne joyeuse. Le parapluie qui cherche à colmater la fuite du poète (type vieux juif en robe de chambre). La sans-père qui le retrouve, malgré le secret et la distance des conventions sociales. Tout le monde est complice et « au secret ».
C’est dans sa structure même, dans sa disposition (dispositio?) que Sirk fait de cette comédie assez lourdingue dans son comique, pas très drôle, une manière de tourner et de se retourner sur soi-même. Le blanc n’éclaire rien, il masque plutôt.