de Maurice Pialat
Pas vraiment un choc, le film est si calme, si attentif à ces décors pauvres à crever, mais dans lequel le regard géométrique de Pialat arrive à intégrer à la fois la laideur et le « cadre » de vie.Le gamin au sourire de Joconde méchant ou crispé, présent et pas causant.Ceux qui jouent autour de lui, leur accent, leur tenue du corps et l’espèce de tendresse perdue, ineluctable.Oui, cela fait beaucoup d’effet, un « cafard d’enfant » comme dirait Daney, quand on sort. L’aspect « documentaire » (avec ce que ça suppose de compréhension de la réalité, de capacité de vision de sa part) ressort beaucoup plus que dans le Garçu, ne serait-ce que parce que dans ce dernier le cadre de vie grand-bourgeois des parents neutralise un peu ça. Mais dans L’Enfance nue on est quand même dans une réalité intérieure, pas écrasante ni vraiment angoissante, mais quand même intérieure. Peu de plans du gamin dehors, et ce sont des dehors neutres, sans « rencontres » (à part quelques scènes clés). La relation de la mère de la grand-mère avec l’enfant est incroyable : on comprend tout de suite que ça marche parce que la femme est intelligente, qu’elle « sort » aussi du cadre plus gentil-coincé-hébété des autres qui, malgré leur bonté réelle (y compris les parents du début) restent limités dans leurs rapports avec l’enfant, ils ne lui « parlent pas », sauf ordres ou paroles phatiques calinantes.Ce qui est beau, c’est, la lenteur, l’immobilité de tout ça. Même les bêtises du garçon sont rapides, peu spectaculaires, violence froide et pas « musculaire », pas soutenue, limitée dans le temps. On est « coincé » avec lui dans cet espace-temps où à peu près rien n’arrive, où personne ne bouge de son pré carré, où lui passe d’un lieu à l’autre mais sans trop bouger (même le train est immobile). Vision de l’enfance « bloquée » dans un temps qui n’a rien à lui, et surtout pas ce futur de « qu’est-ce que tu veux faire plus tard ».Je reste quand même très frappé par les décors, qui ressortent peut-être un peu plus forcés en couleur par la restauration, je ne sais pas.Les objets prennent aussi un relief particulier (le tricot de corps en laine que l’on trouve sur le garçon, puis sur l’autre plus âgé).