de Leos Carax
Ce qui me touche le plus, ce sont les gestes de cinéastes de Carax, qui ose tranquille tout, quelques plans très simples où on le reconnaît plus que tout. Lorsque la caméra s’avance au-dessus des arbres dans la maison, qui paraissent illuminés, artificiels. Le film vise cette part d’artifice en l’insinuant de manière plus discrète dans les décors, qui prennent tous cette teinte de plastique, brillante, ce « fini » qui leur donne une qualité impalpable, à mille lieux de tout réalisme trivial. Adam Driver, son corps impressionnant et musculeux (Carax, très petit garçon (d’ailleurs le personnage d’AD le dit aussi qu’il en est un) est meilleur pour choisir les garçons que les filles dans ses films), sans trop de poil, immense (il dépasse d’une tête tout le monde), Adam Driver est une marionnette. À la fin, il ressemble de manière frappante à Carax avec sa petite moustache. On sent qu’il a choisi des américains pour cette qualité-là, de ressembler à des marionnette, tandis que la marionnette, elle, a le visage grêlé, mal taillé, bien plus matériel que le père sans un poil et sans un poil de graisse, ou que la mère evanescente (beaucoup trop, à mon avis). Seule la petite fille de la fin, qui n’est pas exceptionnelle, sort de ce carcan.
Le film est fait pour la fille de Carax, that’s for sure. Il est un conte pour petite fille, et devrait marcher assez bien sur les enfants.
Il faut accepter de perdre le son de l’espace, la matérialité des lieux. Expérience pour moi un peu perturbante et désaisissante, d’être désinscrit de l’image pour « flotter ». Mais j’aime le calme tranquille du film, qui avance en déroulant ses images avec fluidité, genre « the show must go on », avec des fondus au noir étonnants, des superpositions très réussies…
Le film est parsemé de références, à des films de Carax (la moto, un plan d’un arbre descendant), à Godard (plan de Je vous salue Marie quand elle est enceinte et qu’il remue sur le lit en fondu). J’ai pensé aux articles de SD sur Chaplin.
De fréquent plan général du haut du théâtre, distanciation brechtienne.
Carax veut se coltiner aux mythes de l’époque, il l’a toujours fait (le sida dans Mauvais sang), et donc il se coltine ça, par atavisme, ce qui n’est pas réussi. Le film n’est pas « intelligent », son propos reste peu clair, trop lié aux conventions opératiques.