de Hiroshi Shimizu
MAG Théorie: il est « pédophile »; si c’est le cas, ce serait comme Duvert, avec ce drôle de choix d’enfant au bec de lièvre, une narine plus grande que l’autre, petit gars mélancolique. C’est vrai que la vision des adultes est particulièrement étrange: une veuve esseulée qui a acheté une statuette de bouddha enfant, que désire follement l’ami du héros. Elle lui propose de lui offrir s’il lui appartient à elle (le terme « vendre » est mentionné), en échange. Noté par MAG : le héros parle tout le temps de client (hors-champ, qu’on ne voit pas). Et le sculpteur qui va finalement emmener le jeune héros à Tokyo voit de ses yeux l’amour du compagnognage (il a aussi invité les gosses à déjeuner précédemment).
Il parait que S avait mis sur pied un orphelinat post-guerre d’où viennent tous ses petits acteurs.
Si l’on laisse de côté cette séduisante hypothèse, je retiens surtout ce qui m’a le plus marqué: la confrontation, appuyée, entre les enfants et les œuvres d’art immémoriales qui leur font pface. Comme Allemagne année zéro se fondait dans Voyage en Italie. Cette confrontation entre la précarité de l’enfance et l’impermanence des statutes est bouleversantes. Il ânonnent un texte qu’ils ne connaissent jamais vraiment, mais leur rapport aux statues n’est jamais utilitariste, sacrilège, mais il n’est pas non plus de l’ordre du sacré. Plutôt la reconnaissance, le respect (c’est-à-dire le regard à distance, en respect) d’une aura antique, dont on aura aucune idée du supplément d’âme que les touristes viennent y trouver, mais on comprend que pour eux, qui viennent de traverser la guerre et se retrouvent orphelins, attendent le retour d’un père, quelque chose de la fascination les retiens.
Le film invente un temps à lui: il a tout son temps, et le montage perd sa force de cisaillement pour la fonction de contiguïté, toujours surprenante, jamais narrative, plutôt faite de prélèvement dans l’immense géographie irreconstituable de ce village préservé (des bombardements américains).
L’apparition des jumelles devient ainsi moins un événement narratif qu’une pierre nouvelle sur le chemin.
Le dernier plan, magnifique (et icone de pédophile), monte les deux enfants, le héros et son ami moine qu’il va quitter, dormant tous les deux dans la main du grand Bouddha. On n’en voit que la main, et le film est terminé. Manière concise, d’une beauté folle dans la simplicité de l’image (réalisant le leitmotiv répété tout au long du film: dormir sur les genoux ou la main du Bouddha, avec la scène triste des orphelins venu en nombre pour ce faire, et qu’on congédie par « réalisme »). Toujours le rapport des enfants aux objets de culture (pas sûr du tout que la distinction japonais entre culture haute et culture basse soit la même que chez nous). Il y a une différence avec les touristes, pas moqués, mais pas vraiment considérés non plus. Ils sont de « l’autre monde », celui des gens ordinaire. On a par contre une bonne idée des autres employés de cette petite ville préservée de la guerre qui pour cela accueille des touristes : fille du bus, réseaux entre les différents lieux, le plus souvent parcourus en courant d’une foulée pleine et régulière, sans effet. Seule la figure d’une mi-étrangère, japonaise-américaine de retour (figure franchement bizarre dans cet après-guerre), qui a de l’argent, s’ambiguise.
On sent bien que S recode les fonctions de mère et de père autour de l’enfant, et qu’elles ys sont bien autre chose que ce noyaux familial nucléaire. La guerre (Rossellini encore), et passé par là.
Les enfants sont des adultes mais sans pouvoir.