de Raoul Walsh
Remake de High Sierra (ne me souvenant pas du film, évidemment, je ne m’en suis pas aperçu).
Le film me frappe par ses décor, très impressionnant. Moins les dents creuses de Pursued (quoique, avec les recoin, lunules sans issue de la Cité de la Lune où se cache le héros) que des façades de grandes dents plates, des valées à pic.
Le film arrive à raconter une histoire longue et complexe en 1h30, sans que cette durée soit « accelérée » comme récit, mais simplement parce qu’elle est très précise.
Le rouge à lèvre de Virgina Mayo me gêne. L’histoire d’amour qu’elle a avec l’homme ne m’émeut pas trop, l’individualisme des deux personnages est trop manifeste. Mais l’indépendance totale des deux, le féminisme de Walsh qui ne fait pas de différence de compétence entre les deux (quand elle dit « I am a woman », c’est vraiment pour préciser, parce que sinon on oublie; il y a d’ailleurs un moment, après la scène de leur première rencontre qui est un peu une fausse piste , où Walsh la rhabille (avec une petite veste), et où elle gagne – après avoir donné ses gages au spectacle – d’être un personnage et non un outil signalétique féminin.
Le découpage est simple, parfois un peu grossier (au début, après j’ai fait moins attention), souvent des raccord dans l’axe, frontalité du muet (que j’adore), filmage descriptif, qui sacrifie un peu l’émotion à la précision, avec des lignes de force verticales (très belle composition de plan de lui avec un fusil en vertical). Mais il y a une très belle
Toujours aucune transcendance, pas de religion. Matérialisme de l’église : ça va permettre de la rénover, et l’ironie est que le vol y abouti, par nécessité, par émotion, et par indifférence foncière de l’argent. Ce qui est compte est le lien des deux êtres, qui auraient pu être n’importe quelle type de relation (ce qui compte est 1) la personnalité des individus 2) la relation de compagnonnage et d’entraide, très américaine, très Hawks)
Même chose que dans Pursued : le souvenir flou, impérieux, qui ne manque de se répéter mais mal (la répétition est mauvaise) : souvenir d’une fille morte (dans quelle circonstance, on ne sait pas, la tombe ne dit rien, on ne sait rien de ce passé, de ce qui a fait ce passé : suicide ? désespoir ? meurtre ?), la vivante est mauvaise, elle est peut-être l’émanation du goût d’argent. L’ancien braqueur de banque n’est pas un « filou » comme la grand-mère que l’on voit un tout petit peu mal jouer son rôle (donc le jouer bien). Le policier ripoux est un fait un mauvais policier, mauvais tout. Le beau déliquant un manipulateur et l’autre une brute. Le Parrain un père généreux et revenu à l’état de pauvreté (on ne verra plus que son bras mort; même bras que le héros et l’héroïne à la toute fin : misère de nos mains vides).
Les décors sont fascinants : ruines abondent dans le film : village dépeuplé (et finalement repeuplé par la restauration de l’église), cité de la lune, présence discrète et quasi entrisme des indiens, qui se mèlent aux hommes.
Important de la fumée, qui revient plusieurs fois dans le film. de très beaux plans de nature (important), quasiment à la Ozu, vide, sans personne, un tout petit peu trop long pour n’être que du décor, mais le décor + quelques secondes de contemplation flottante. On a un de ces plans avec une fumée blanche qui flotte au dessus des herbes. Fumée noire de l’indien qui signale à la fin. Fumée du train. Cette fumée est quelque chose d’important, évanescent. C’est le souvenir bien sûr
mais aussi la nature, l’interaction nature-homme, le paysage n’est ni détaché ni engluant, mais il y a corrélation exacte entre le paysage et l’humain qui fuit dedans. La manière dont Walsh articule la nature et les hommes sous une expérience audiovisuelle de premier ordre (évidemment plus dans Burma qu’ici) est splendide.