de Jean Renoir
Une évanescence des plans, saisis dans un caractère tremblé (feuilles au vent, corps un peu tordu, de loin), qui me fait me dire : les plans du cinéma américains se ressemblent tous (c’est la fameuse langue commune qui plaisait tant à Biette), il est si difficile de les distinguer. Renoir fait le pari inverse : un plan est unique quand il est pris comme cela, sur le vif d’un moment singulier et non répétable. Bazin le voyait dans la mort (« mort tous les après-midi »), mais au fond, c’est dans cette saisie de l’instant inoubliable, éphémère et unique, cette recherche de la capture gracile et si posée (que l’on retrouve aussi chez Rossellini, avec plus de rouerie, peut-être dans le dispositif – Renoir est rouard dans l’herméneutique – en cela, ils sont opposés) que Renoir construit avec patience un film qui ne repose ni sur la fulgurance, ni sur des « coups de maître » ou du tapage, mais sur le simple « plaisir de filmer » qui lui est unique et reste peut-être la marque distinctive du cinéaste (quand on le voit).
Plaisir de filmer diffère du plaisir de composer (des images), de diriger (des acteurs, une équipe technique). Où se dirige le plaisir tenu par un film, reposant supposément chez son metteur en scène.
La fille de l’eau est le plaisir de la lumière blanche. Le visage de Catherine Hessling en petite fille est mangé par la lumière. Beau jeune garçon romanichel, joyeux et insouciant. Extraordinaires scènes de rêve (on y retrouve quelque chose d’Oliveira et son Étrange histoire d’Angelica), parfois maladroites techniquement, où l’on retrouve le paradigme renoirien majeur, le même que dans Toni: en pariant sur du réel, sur de l’enregistrement, ça ne peut pas ne pas marcher.