de Vladimir Léon
Vladimir et Pierre font encore une fois le tour de leur famille, en rendant un dernier hommage à leur mère. Où on se rend compte qu’il n’y a dans cette famille que des actrices « nées », et donc des espionnes ; où on se rend compte que les secrets d’états sont aussi bien gardé que les mémoires familiales flanchent, et que tout cela a une importance modérée en regard d’une situation politique globale au fond peu atteignable ; où on voit enfin, que ce qui fait les frères Léon c’est les incessant passages de frontières, la double identité qui est l’identité du double agent, ni tout à fait d’un côté, ni tout à fait de l’autre.
C’est cela qui fait le film : la vie. Le film me plaît en ce qu’il entremêle, en bon cinéma impur, plusieurs régimes d’images, mais aussi plusieurs régimes de « vie » : comme si une constante ou un point commun des films des frères Léon était l’intrication du cinéma dans la vie, le cinéma qui permet de faire de la vie. Ce film est l’aveu de leur « Spy qualities », ils jouent aux petites espions, sans trouver grand chose, sans laisser planer non plus trop de mystère, un entre-deux qui accuse plus le chemin parcouru jusqu’alors que les pistes ouvertes ou fermées qui se sont manifestées.
Le film est plein, comme celui de PL sur Schefer, de ces diners, ces rencontres avec petit gâteaux, saucisson et choux, thé dans le train et vodka. Convivialité qui est à la fois une pause (un peu agaçante, toujours comme je l’avais noté dans mon article sur Fantômes) et une nécessité : s’inclure dans le film : c’est la problématique dont il faudrait, parce que cette inclusion évidemment, ici, a un sens. Les enfants font des films pour en savoir plus sur leurs parents, mais en même temps, l’histoire familiale touche à l’histoire du pays (pas fils de prince, mais fils d’espion), surtout quand cette histoire est multiplement duelle : entre deux pays, deux nations, deux époques, femme et homme, enfant et parents, frère et frère, cinéma et vie.
Le film est un remake d’Octobre, un peu plus soucieux encore de l’état politique du moment. Pierre et Vladimir font exister des personnages, lâchement accrochés à la trame ténue, et qu’on ne perçoit pas avec clarté, de leur fil narratif. On a néanmoins la sensation qu’ils font quelque chose de très rare, qui n’a pas été tenté jusqu’alors. Parce que eux seuls le peuvent, eux seuls peuvent se glisser dans cette identité fuyante et multiple, l’un et l’autre.
Il faut ainsi prendre le film pour ce qu’il est : un spy film, soit l’envers redoublé d’un psy film: roman familial. Hitchcock, bien sûr. Le train : une femme disparaît. Une fille avec des ennuis. Une histoire d’espion qui tourne mal (PL aimait tellement le dernier Preminger).
À voir Pierre et Vladimir face à face, la diva et le bon gars sans histoire, on se dit aussi que ce duo est un miroir bizarre, que les deux ne se disent pas forcément tout, ne sont pas forcément synchrone, non plus (le film aurait plutôt tendance à dire ça: il y en a toujours un qui découvre avant l’autre).