Film phrases

Bonne chance (1935)

de Fernand Rivers

Un Guitry avant les films de Guitry. Il y manque les plans longs mais au fur et à mesure du film, ils arrivent et se font de plus en plus longs, de plus en plus continus. Au fond, Guitry n’est pas venu au plan long parce que le théâtre, mais parce que son théâtre à lui : il est incoupable. Ses monologues, le suivi si particulier de ses scénarios demandaient le plan séquence et ne pouvaient fonctionner que par eux. Ce qui choque, dans ce film, ce sont justement les inserts (notamment ceux de la vie parallèle du fiancé, par exemple), qui font « truc » et cassent la complicité du couple, redoublant par maladresse un des motos des héros du film : nous ne pouvons nous séparer.

Le sujet du film, rare au cinéma et plus encore dans la comédie est le bonheur, le bonheur qui jouit de toutes les tâches. C’est sans doute le seul sujet, au fond, de Guitry. L’accès au bonheur, qui se fait sans contrepoint, sans ironie, sans malheur des autres, sans mésaventures, ou plutôt en retournant les problèmes à l’avantage. Le bonheur est une fiction et la fiction n’est que délice car elle est échange, complicité. Si j’aime tant Guitry ce n’est pas seulement par son verbe, son ton, le brio du jeu etc. C’est qu’il parle toujours à quelqu’un et que ses acteurs ne sont jamais des faire-valoir. Ils parlent certes moins que lui, ils ont moins le beau rôle, mais ils sont quand même inoubliables. Jacqueline Delubac est ici merveilleuse, précise et vive comme tout, à l’aise comme personne dans ce rôle. Son personnage a autant d’autonomie que celui de Guitry : ils sont à égalité. Elle a même un peu d’avance. Le plaisir du dialogue, de l‘adresse et du duo qui a tellement disparu aujourd’hui. Qui fait des duos ? Il n’y a que du un ou de l’anonyme. Sophie Filliere, justement, tente ça. Mais elle vient de là elle aussi.

Les accents, les répétitions et une intrigue qui met les signifiants à toutes les sauces, se jouant de tous les scandales (frère soeur père fille mari femme) et de la loi. Importance des règles qui font une fiction (on dépensera cet argent en partant ensemble) et de la fiction qui fait règles (ensemble, on a de la chance, on est des gagneurs).

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