Film phrases

The Friends (1994)

de Shinji Somai

Trois jeunes garçons, un gros, un petit maigre à lunettes et un « normal » tournent autour de la maison d’un vieux semi-clochard, sympathisent avec lui, l’aident, refaçonnent sa maison, plantent son jardin, retrouve la femme qu’il a quitté, traumatisé par des actes innommables pendant la guerre, essaie de les remettre ensemble, le trouvent mort, vont à l’enterrement et lui rendent encore des hommages.

Le film est extraordinaire de bout en bout. On y trouve la grâce de la caméra qui s’incruste partout, la lumière chaude et délicate, la simplicité du propos et le fait que tout, dans n’importe quelle position, peut arriver.

Ce qui est beau avec Somai c’est qu’il rompt une bonne fois pour toute la distance de sécurité, de où comment se placer face aux enfants, qu’il brise du même coup les cadres de durée des plans, puis du coup des séquences et plus généralement réinvente depuis le début le rythme narratif. Ce qui fait que ses films durent un temps infini et qu’en en sortant, on ne sait pas combien de temps on a vu cela.

Tout cela se trouve dans un autre rapport, complètement différent, du rapport de la caméra aux corps et de comment le récit se fait à travers un point de vue totalement libéré de l’espace terrien et des « marques » topologiques, en faisant intervenir la dimension verticale, mais aussi cet espace de la proximité des corps qui n’existe que chez lui de cette façon embarquée. La durée et les longs plans font « prendre » l’ensemble.

On pourrait citer toutes les scènes et tous les plans tellement ils sont admirables. La fin, avec la mort du « grand-père » est bouleversante dans sa durée, justement, avec les gamins qui pleurent et qui n’en peuvent plus. Mais l’enterrement avec la vieille femme « sénile », qui fait le tour puis revient jusqu’au cercueil, comme un automate, pour contempler la petite fenêtre du cercueil. Le pré enterrement avec le gamin qui filme et à qui on retire sa caméra. Le rapport à la nature buissonnante, le plan au dessus du vide (qui est impressionnant car il arrive au début, mais le reste, sans danger l’est finalement encore plus!). La beauté des séquences « fantastiques » : celle de l’hôpital et la dernière dans la maison qui se « ruine », dont les couleurs se passent.

Le lien grands-parents / petits-enfants avec la guerre entre les deux, leurs parents (auquel le film ne donne aucun écho), génération perdue, invisible, morte étant née dans l’entre deux c’est-à-dire aussi dans la prospérité de l’après-guerre. La c’est la crise économique qui résonne avec la crise du passé, la guerre si lointaine.

Un point important, à creuser : Somai et Fourrier. Même rapport au désir, à ce qui interesse les enfants, à l’idée de leur donner « quelque chose à faire » et de leur offrir une vie ordonnée par une structure enfantine complète.

Au Suivant Poste

Précedent Poste

© 2025 Film phrases

Thème par Anders Norén