Film phrases

Canta del Marane (1961)

de Cecilia Mangini

Film solaire, brillant et splendide, qui est entraîné par une musique off, une voix off (écrite par Pasolini) évoquant un temps ancien dont l’image offre le contrepoint présent, lumineux et pris dans la gangue d’une vie irrésistible. L’image entièrement silencieuse, gagne en mélancolie, mais les cris des enfants que l’on entend pas (procédé génial et répété, ils ne cessent de crier, de s’ébattre) animent ce souvenir avec une force étonnante. Des travelling sur les corps des enfants maigres offerts au soleil, qui passe de l’un à l’autre en glissant sur les membres (pourrait-on encore filmer les enfants comme ça ?). Avec des trouées de gros plans sur les visages ronds et échappant à toute beauté, qui viennent comme des pompes rythmer cet inlassable chaîne de la grappe d’amis indifférenciés dont on nous dit qu’un deviendra policier et l’autre voleur, avec l’évocation de la famine (on le voit manger de petits poissons, presque par jeu), de la pauvreté des temps passés. Le commentaire se transforme dans l’image en son contraire, une absence de gravité, un plaisir, une non-attache. C’est cette mélancolie assumée par un « je » adulte et lointain, perdu dans un temps que l’on ignore tandis que la nature, par nature, échappe au temps, qui charge le film de sa beauté nostalgique pour nous aussi, mais d’un temps et d’un lieux qui sont les regrets de la fiction, de ne pas avoir été un petit garçon en groupe (et je me dis avec certitude que Mangini aussi a eu ce sentiment en filmant).

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