de Samuel Fuller
Pas un des meilleurs Fuller. Beau et bien composé, mais assez normé à l’exception de quelques belles idées (notées par Rauger dans son article) : l’éclairage rouge (dans lequel on peut voir un contrepoint aux rouges?) et la bataille de sous-marins, étonnante et assez drôle dans ces gros animaux qui vont à la rencontre l’un de l’autre avec peine (à l’air libre, la rencontre était elle aussi lente à se faire feu). Le film est plus généralement fait avec de la lenteur. Il n’est pas ennuyeux mais a quelque chose de poussif qui tient moins à son sujet (au fond, le film n’est pas du tout un huis clos, on étouffe pas) qu’à son déroulé attendu qui « mène en bateau » son spectateur, mais sans enjeu, d’un point à un autre, d’une découverte à une autre, d’une île à une autre et d’un changement de rivalité à un autre. On y trouve tout le vocabulaire hollywoodien du doigt coupé et du papa incestueux.
Tout ceci ennuie légèrement, gentiment mais sérieusement car Fuller est précisément l’homme du catapultage, de ces coups de force où tout s’agglomère dans un seul coup (l’explosion atomique, mais celle qui emporte l’homme et l’île ensemble, lui va ainsi bien), qui peut être un coup de poing, de feu ou du destin. L’homme de la « story » aime les grands titres, il n’y en a pas ici.
C’est quand même un cinéaste d’homme, discrètement homosexuel, pour qui la femme est immédiatement sur le même terrain que les hommes. L’enjeu de la femme à bord n’est pas vraiment un sujet, c’est à un moment celui du scénario mais ça n’a pas plus d’importance que le fait qu’elle soit la fille ou l’amante de tel ou tel personnage. Ce qui intéresse Fuller, c’est l’équipe. Celle qui sort respirer à l’air libre et vient peupler le pont. Cette « mécanique » de groupe quand ils tirent (remembrance of Steel Helmet) sur le pont, tous sur l’avion qui du coup, rebrousse chemin (chose imprevue et éclatement annoncé au début).
Fuller n’est pas un cinéaste du héros solitaire, c’est l’homme des situations vécues à plusieurs, dans tous ses films. D’où qu’il soit peut-être le plus « social » des cinéastes. Ses films sont toujours des films dont les ressorts sont l’interaction entre personnages. Ce qui est beau chez lui est qu’on y reconnaît chacun d’entre eux.